e-Bullitt, le montage du Rohloff

Publié le 21 avril 2024

Écrit par Alex

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Après avoir commandé et reçu toutes les pièces pour monter un moyeu Rohloff, je me suis lancé dans le montage, avec un peu d'appréhension, et quelques incertitudes. L'aide d'Hervé (son atelier et sous outils) aura été cruciale.

Préambule

Si vous avez raté le début, si vous souhaitez aussi un Rohloff sur votre Bullitt électrique STEPS, ou si vous voulez le début de l'histoire, c'est par là.

Si vous ne voulez pas vous palucher toute l'histoire, et voulez aller directement au stade "de quoi j'ai besoin" pour monter un Rohloff sur un e-Bullitt, c'est par ici.

Allez, on embarque, directement dans le dur !

Le choix des conditions

C'est une fois les éléments rassemblés que l'on peut s'attaquer au montage. Je fais appel à Hervé, ribineur dans l'âme, disponible en semaine (ce qui nous permet d'envisager un montage sans enfants...), et intéressé par le sujet, pour m'aider à réaliser cette tâche, que lui et moi croyons complexe.

Hervé a aussi l'avantage d'avoir un atelier bien plus pratique que notre garage : lumière, outils, espace, café...

Je me rends donc chez lui, à un aber de chez nous, un matin d'avril, sous le soleil, la pluie et le vent en même temps (le Finistère quoi...), pour entreprendre ce montage.

Il y a un peu d'appréhension. Je suis parti de la maison avec les enfants, que j'ai déposés à l'école. Idéalement, il faut les récupérer le soir, avec le même vélo, mais une nouvelle transmission. On pourrait toujours se débrouiller en cas de souci, mais ce ne serait pas idéal.

Les ultimes doutes

J'ai beau avoir fait un milliard de recherches, probablement beaucoup plus qu'une personne normalement constituée, j'ai toujours des doutes sur certaines étapes ou certains composants :

  • La longueur de la courroie Gates : Trop courte, et on ne peut pas la faire rentrer sur les pinions ; trop longue, et on voit le risque de voir la roue sortir de son axe.
  • Le disque de frein : Il ne fait que 2,0 mm d'épaisseur, au lieu des 2,3 préconisés. J'ai trouvé bien trop tard la référence du disque 2,3 officiel de Rohloff... sur commande uniquement.
  • Le moteur Shimano : Je ne sais pas trop comment il se comporte sans dérailleur ou moyeu Di2. Ce système à été (mal ?) conçu avec l'idée de tout intégrer. Là-dessus, j'ai l'idée de monter un truc qui n'a pas été prévu (et documenté) par le fabricant... Mais qu'est-ce qui peut bien foirer ?

Le souci du détail

Sinon, connaissant mon souhait de trouver des pneus à flanc beige pour aller avec notre Bullitt Moondog bleu nuit, Hervé s'est mis en tête (je ne sais pourquoi) que je suis obnubilé par le détail esthétique. Tout au long de la journée, il sera plus stressé par mon souci du détail, que par le fait de mal monter un moyeu à 1000€... Sans commentaire !

Passage en revue des éléments

9h45, on démarre, en étalant tous les élements sur l'établi :

  • Roue montée, avec son moyeu Rohloff, jante Ryde Andra 40, pignon 19 dents Gates (pré-monté par mes soins), disque XLC Rohloff 4 trous (pré-monté aussi par bibi), neufs
  • Sachet d'écrous, fournis avec la roue
  • Boitier de changement de vitesse, fourni aussi
  • Poignées Brooks, d'occasion sur leboncoin
  • Poignée tournante Rohloff, neuve, incluse avec la roue
  • Câbles et gaines, idem
  • Plateau Gates 4 trous, et porte-plateau Shimano STEPS, acheté neufs, à vil prix en Allemagne
  • Support d'étrier dit Monkeybone pour disque 180mm
  • Mon cerveau un peu embrumé, et les neurones clairs et expérimentés d'Hervé

Je liste et explique à Hervé tout ce qui peut foirer : ligne de chaîne, taille du plateau (et passage du plateau le long des bases), moteur qui refuse de fonctionner sans Di2, longeur de courroie... Bref, il reste une part d'inconnue.

Démontage

Démonté, "Nétwayé, astiké, Bullitt toujou pinpan !"

Notre Bullitt, surélevé et sans roue arrière.
Notre Bullitt, surélevé et sans roue arrière.

C'est parti pour le démontage...

Installation

Placer le Bullitt en porte à faux sur le seuil d'entrée du garage, en marche arrière, le monter sur béquille et lester l'avant avec une caisse à outils. Si vous visualisez la chose, l'idée est de voir la bête surélevée, piquer du nez. Ceux qui ont un vélo-cargo biporteur connaissent. Ça remonte la roue arrière assez haut pour travailler accroupi. On ne monte pas vraiment un Bullitt sur un pied d'atelier, sauf si c'est un pied électrique Parktool pour VAE (ça existe), ou qu'on a équipé son garage de poulies (comme le sous-sol de la boutique officile LarryvsHarry, à Copenhague).

Démontage du garde-boue

Hervé soutient que ce sera bien plus facile de travailler ainsi. Il aura raison.

Démontage de la roue

Je l'ai déjà fait, lors de notre première et unique crevaison. On s'en sort sans difficultés.

Retrait de la chaîne

"L'attache rapide" Shimano, c'est de la m...e. Impossible à retirer sur un bord de route, il faut une pince et tordre le truc. Au bout de cinq minutes de tentatives et vidéos Youtube, on sort le dérive châine... Après 20min de boulot, ça met un peu la pression, de se dire que si ça foire, on aura peut-être plus de chaîne de back-up... Mais on est confiants.

Démontage de la roue

Je n'ai même pas eu le temps de vraiment dire au-revoir à ce moyeu Nexus 5.

Nettoyage

Il y a de la boue sechée, de la poussière agglutinnée, partout ! Mais vraiment, partout ! On en trouvera même derrière l'ouverture de cadre pour passer la courroie : malgré le fait qu'on ne l'ait jamais démontée, elle est sale quand même.

Remontage

Remplacement des pattes de dérailleur

Au passage, on démonte le support d'étrier et l'étrier. Il faudra le remplacer par le support d'étrier de frein Rohloff, qui permet d'insérer le bras de contre-couple.

De la salété sur une ouverture de cadre de vélo.
De la saleté partout, même derrière des pièces qu'on a jamais démonté..

Après tout ça, pause café-pipi. Le projet avance pas trop mal, se dit-on : on aura pas fini avant midi, mais on aura fini avant la nuit.

Démontage de la manivelle de pédalier gauche

Il faut la démonter pour retirer le plateau. Il est d'un seul tenant, pas de porte plateau. L'outil special pour Shimano STEPS est nécessaire (merci les outils propriétaires....). Sans lui, on était bloqués. J'ai bien fait de l'acheter celui-là.

Un moteur Shimano STEPS sans manivelle de pédalier.
Un moteur Shimano STEPS sans manivelle de pédalier.

Transfert de pneu

Je prends le temps de démonter le pneu de l'ancienne roue, pour le remonter (à l'envers... oups) sur la nouvelle.

Installation de la nouvelle roue

On présente la nouvelle roue. On peut alors replacer l'étrier de frein, sur son nouveau support, sans serrer. Il faudra prendre le temps de le positionner une fois le disque (et la roue) en place.

Ça a l'air de le faire, et ça motive grandement de voir l'assemblage prendre forme !

Installation du plateau et de la courroie

Suivent le plateau et la courroie. Le cadre du Bullitt est prévu pour, avec une petite pièce à retirer pour passer la courroie.

Une roue à moyeu Rohloff, sans courroie.
Une roue à moyeu Rohloff, la courroie n'est pas installée.

Une petit pause déjeuner s'impose. Le moment de réaliser que j'ai oublié mon portefeuille à la maison... et de me faire inviter (à charge de revanche !).

Le câblage (avec dépose de moteur)

Alors, en haut ou en bas ?

On enchaîne avec un long (très long) questionnement sur le passage de câble...

C'est sûrement à ce moment que ma réputation de perfectionniste, y compris dans le style, dépasse la réalité. En effet, il serait évident de faire passer les câbles par le dessus : haubans puis tube supérieur. Mais je n'aime pas trop : ça ajoute deux câbles aux côtés de la durite de frein. Non seulement c'est inésthétique, mais c'est aussi peu pratique.

On tâtonne un peu avec l'angle que doit prendre la plaque d'axe (qui assure le contre-couple, si vous avez suivi le premier épisode), pour que la sortie du boîtier de changement de vitesse ait le bon angle. Malgré les dessins fournis avec la notice du bouzin, c'est pas évident...

Bref, après 3 ou 4 essais, on finit par tenter de passer en bas. C'est clairement la bonne idée... Mais ça suppose de déposer le moteur. Je réussis à convaincre Hervé que ce sera rapide, facile et sans-douleur (c'était pas gagné).

Six vis plus tard, le moteur est suspendu, le temps qu'on essaie de faire passer des gaines de dérailleur au dessus de celui-ci, dans le cadre. Vous voyez l'idée ? Notre gaine passe entre le moteur et le cadre, en interne. En fait, il y a plein de place, par là-bas ! Ça se fera sans trop de difficulté, même si le fait d'être deux, et avoir quatre mains, aura facilité largement les choses.

Il faudra, une heure plus tard, le redéposer. Je n'avais pas passé assez de longueur de gaine pour arriver jusqu'à la manette... Mais on est pas obligés de le dire ça, si ?

Installation et tension de la courroie

On pose la courroie, et puis on la tends. 1h plus tôt, on avait un petit échange cocasse à propos de la tension d'une courroie Gates. Hervé s'inquiétait :

- Tu sais comment régler la tension de courroie ?
- Ben oui. J'ai une appli...
- 😶
- Si ! J'ai une appli...
- 😐️
- Fournie par Gates...
- 🤨
- Et qui permet de mesure la tension de courroie !
- 🤔
- En mesurant le fréquence de résonance
- 🤨
- Avec le micro du smartphone !
- 😮

Bref, je sors mon smartphone de ma poche, lance l'appli Gates drive belt, et suis leur tuto. Il s'agit d'éviter les bruits parasites, approcher le micro du téléphone de la courroie, et tirer dessus comme une corde de guitare. On fait trois mesures, un quart de tour de pédalier, de nouveau trois mesures, à répéter trois fois. On doit mesurer entre 40 et 55hz pour un vélo cargo électrique.

Installation de la poignée tournante

Roue montée, courroie tendue, au tour de la poignée, et du boitier de commande. On se re-mate les vidéos de tuto, sur comment insérer les câbles dans la poignée, d'abord, puis régler le boitier de commande ensuite. En vrai, c'est bien de les regarder, mais le montage s'avère en fait hyper-simple :

  • Passer chaque câble avec sa butée dans la poignée. Celle-ci n'est pas indexée, elle tourne librement.
  • Passer le cablage dans les gaines.

J'ai là aussi fait un choix pratico-esthétique : utiliser des coudes de gaine pour V-Brake (vous savez, les gaines rigide en virage à 90°) pour router les câbles en sortie de poignée. Ça permet de suivre directement la durite de frein, au niveau du guidon, sans appliquer trop de contraintes. Ça évite qu'elles se prennent un peu n'importe où, et c'est plus joli... Après installation, Hervé est d'accord avec moi.

L'installation d'une poignée tournante.
L'installation d'une poignée tournante..

Le coupage de gaine est fait à la perfection. Hervé est bien plus confiant que moi pour ça. Il nous reste à passer les câbles dans la gaine, et couper 20cm de câble après la sortie de gaine pour chacun de ceux-ci : le câble 1 en vitesse 1 (le câble 1 étant celui tirant pour réduire les vitesses), et le câble 14 en vitesse 14 (le câble qui tire pour monter les vitesses).

C'est ainsi : le Rohloff n'a pas de poignée indexée. L'indexation se fait dans le moyeu. On a donc deux câbles, qui tirent pour descendre ou monter les vitesses. On enroule ces deux câbles autour d'une poulie, après les avoir fixés dessus. On replace la poulie dans le boitier de commande, le boitier de commande sur le moyeu.

Et voilà !

Pédalage !

Quelques colliers de serrages pour fixer les gaines, et on part pour les premiers essais... Concluants, très concluants même !

Installation du moyeu Rohloff terminée.
Installation du moyeu Rohloff terminée.

"Clic, clic", c'est le (nouveau) bruit du Bullitt

Quelques retours sur les premiers kilomètres :

  • Ça fait un bon bruit de cliquetis sur certains rapports, et c'est totalement silencieux sur d'autres.
  • Il faut vraiment alléger le poids sur les pédales pour changer les rapports. Le Di2 du Nexus faisait ça un peu tout seul. On a encore un peu besoin de prendre le coup de main.
  • Au jugé, on a gagné deux à trois rapports au-dessus du Nexus, et cinq ou six en-dessous. On a vraiment un panel de vitesses plus précis, et plus large.
  • Les côtes ne font plus peur, c'est bien plus facile à monter.
  • On tourne beaucoup la poignée. Je la trouve un tout petit peu dure, et pas si agréable. Rohloff AG peut trouver mieux, je pense.

Certains de ces "défauts" s'améliorent avec le temps : le bruit, la dureté de la poignée, la souplesse de passage de vitesse... iront mieux à l'usage. Les engrenages doivent "se faire" les uns aux autres : 1000 km de rodage d'après Rohloff, plutôt 5000 d'après les usagers du Rohloff.

Pour passer d'une poignée tournante à autre chose, il existe des solutions tierces (type Gebla Roblox), mais c'est un nouvel investissement, on verra ça plus tard. L'idée d'avoir une poignée à leviers type VTT est quand même séduisante...

Postface : créer ou acheter ses outils ?

La question des outils utilisés pour adapter et monter ce moyeu Rohloff est assez centrale. Après avoir dépensé près de 1400€ dans les équipements pour un Rohloff, on ne s'attend pas à devoir acheter un outil de démontage à 30, voir 40€, et qui ne servira qu'une ou deux fois.

J'ai trouvé ça fourbe de vendre à ce prix les outils indispensables au montage : si j'ai besoin de cet outil, c'est que je suis déjà client ! Ce prix semble situé assez bas pour que la réalisation par un pro, en petite série (genre avec une CNC) soit un peu plus chère, mais assez haut pour qu'il reste énervant pour un client de l'acheter. La preuve, on trouve un de ces outils Rohloff, ou une version alternative, en titane, fabriquée en suisse, pour le même prix (mais avec des frais de ports un peu élevés).

Les outils

Voici la liste :

  1. Un écrou à ergots pour démonter le pignon à circlip, livré avec le Bullitt. Cet écrou et un fouet à chaîne permettent de démonter ce support vissé.
  2. Une clé qui entoure le pignon Gates (qui doit donc, être adaptée au nombre de dents) et qui permettra de bloquer celui-ci, en cas de démontage du support.
  3. Une clé à ergots et picots pour serrer et/ou desserrer le support cannelé de pignon, plus adapté à la courroie que le support à circlip.

Avec entre 20 et 30€ par outil, ça fait une facture à 60 à 70€, pour des outils utilisés même pas une fois par an. Rohloff, comme Shimano, doivent se dire que tous leurs clients habitent à côté d'un revendeur (les plus proches sont à Brest), et pourront passer les voir en cas de problème. (Ce n'est pas notre cas...)

Alternatives

J'ai donc entrepris quelques recherches. J'ai trouvé des modèles 3D à imprimer de ces outils. Mais il y avait un bon délai pour obtenir les pièces, et moi, j'étais pressé de commencer le montage...

Alors j'ai re-réfléchi, et me suis demandé : de quoi ai-je besoin vraiment pour la phase de montage ?

  1. L'écrou à ergots : Celui-ci, je l'avais déjà acheté. Je pouvais donc démonter ce support.
  2. La clef qui entoure le pignon Gates : je n'en aurai besoin que pour démonter, mais a priori pas cette fois-ci.
  3. La clef à ergots et picots : J'ai fini par fabriquer moi-même une clé. Avec une chute de palette et des clous (!). J'ai pu faire le montage, et le serrage. Il n'était pas nécessaire d'avoir l'espèce de "fouet à chaîne" pour courroie. Par contre, j'ai des doutes sur la possiblité d'utiliser mon outil fait-maison pour un démontage...
Un outil Rohloff fait maison.
Un outil Rohloff fait maison.

En parallèle, j'ai trouvé un imprimeur 3D pour tenter l'impression d'outils un peu moins artisanaux. Je sais pas trop ce que penseraient l'équipe de Rohloff de mon bout de palette clouté ! La clé imprimée en 3D aurait probablement plus de succès.

Affaire à suivre !