Publié le 4 mai 2024
Écrit par Julie
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Voilà maintenant un an et demi que nous avons troqué notre appartement lyonnais pour une maison face à la mer à Plouguerneau. Si le choix du vélo comme moyen quasi unique de locomotion au quotidien était une évidence (partagée par beaucoup) en milieu urbain, force est de constater que c'est loin d'être le cas à la campagne.
De fait, nous avons nous-même longtemps fui le projet d'un déménagement en milieu rural, car nous fuyions... le tout bagnole. L'idée de prendre chaque jour la voiture pour tout et rien nous repoussait. Et puis, un jour, nous avons commencé à esquisser l'idée que l'on pourrait vivre à la campagne sans voiture.
Il a d'abord fallu s'en convaincre, cela n'avait rien d'évident. Réfléchir à notre déménagement autour de cette contrainte a rendu la chose tangible, possible. Pour ce qui est de convaincre les autres de la pertinence de ce mode de vie, par contre, on n'y est pas encore... même si le vélo fait tranquillement son chemin ausssi à la campagne, et prend de plus en plus de place sur nos ribines chéris.
Bon, mais la décision étant prise, il ne suffisait que de "rester cyclistes", nous direz-vous ? Eh bien manifestement, non. Nous avons mué. Nous pratiquions le vélo des villes, place au vélo des champs ! Et cela n'a rien à voir.
Le vélo des champs ne s'arrête pas
Premier constat à la campagne : on ne s'y arrête jamais. Les feux tricolores sont inexistants, les stops relativement rares et la visibilité y est telle que l'on peut aisément anticiper leur franchissement sans mettre pied à terre. Bref, on roule tout le temps. Notre temps de trajet est très exactement le produit de notre vitesse par la distance. Pas de pauses, pas de trafic, la maîtrise du temps est absolue. Ce n'est pas ici que vous travaillerez votre trackstand [1] !
Le vélo des champs n'a pas la même notion du temps et des distances
3 km à la campagne ne sont pas équivalents à 3 km en ville. Les trajets sont différents, l'attitude est différente, le rythme est différent... et en conséquence, la perception du temps passé à pédaler n'est pas la même. Je ne saurais dire si les kilomètres à la campagne sont plus ou moins longs qu'en ville, ce n'est juste pas la même chose.
Le vélo des champs voit loin
En milieu rural, pas d'éclairage, ou presque. Nous avons réappris ce que signifiait "nuit noire", et l'impact d'une pleine lune. Nous adorons rouler de nuit. Nos éclairages seuls percent l'obscurité, une grande part du monde vivant dort pendant que quelques espèces nictalopes s'agitent sans bruit. Curieusement, nous nous sentons plus en sécurité dans ce contexte. Impossible pour nous de louper les phares d'une voiture qui perturberait ce calme spectacle, impossible pour l'automobiliste de ne pas voir nos feux.
Le nouvel équipement
Nous avons acquis pour bien voir et être bien vus des phares très puissants. Ceux du vélo cargo disposent d'un mode plein phare, incroyablement confortable. Voici les modèles :
- Pour lui (Genesis Croix de Fer) : Trelock LS950 (Batterie intégrée)
- Pour moi (Genesis Tour de Fer) : Busch & Müller Ixon IQ Premium (Batteries AA)
- Pour nous (Bullitt Moondog) : Supernova M99 Mini Pro-25 (Connectée au moteur du Vélo)
Le vélo des champs est social
Mon côté préféré... À vélo, nous ne traversons pas les paysages, nous les habitons. À une vitesse maximale de 25 km/h, souvent moins, les cyclistes sont naturellement accessibles, présents, alertes, souriants. Le vélo favorise les rencontres : voisin⋅e⋅s, joggeur⋅se⋅s, promeneur⋅se⋅s de chiens, jardineur⋅se⋅s, piétons et piétonnes en tous genre, et bien sûr les autres cyclistes.
Force est de constater que nous nous sommes rapidement sentis familiers de notre environnement, échangeant chaque jour sourires et bonjours avec des visages que nous apprenons à connaître, qui rapidement deviennent des prénoms avec une histoire.
Le vélo des champs est une invitation à l'écoute
En assez peu de temps, nous avons saisi les alentours dans tous leurs recoins, dans tous leurs détails. Les odeurs des champs d'à côté, le bruit des oiseaux dans la haie, les ornières sur le chemin, la brise qui forcit sont des éléments avec lesquels on compose tous les jours, sans cesse changeants.
À vélo, nous vivons le changement des saisons, la rotation des cultures, des animaux dans les pâturages, le soudain changement de sens du vent. Le faible bruit qui accompagne notre passage nous donne accès à de nombreux animaux : lièvres, faisans, et tout un tas d'oiseaux.
Le vélo des champs développe un sixième sens
Bon, mais la civilisation est tout de même là, et bien présente. Le plus gros risque à vélo, à la campagne, ce sont les dépassements abusifs. Et malheureusement, ils sont quotidiens. Le mètre et demi de marge est très rarement respecté, et nous nous faisons frôler et dépasser sans visibilité chaque jour. C'est un facteur de stress important dont ne semblent pas du tout se rendre compte les automobilistes. Les quelques rares à s'expliquer avec nous (après qu'on ait hurlé) nous répètent qu'ils sont passés "large", ou que "ça va, il roulait lentement". Dans leurs réponses, on comprend surtout que le partage de la route n'existe pas : pour eux, on n'a rien à faire là. Rester derrière un cycliste le temps d'avoir la place de doubler proprement est manifestement inimaginable pour une grande partie des conducteurs et conductrices... Bref.
Bref, nous avons développé une forme de sixième sens. Nous sentons venir les dépassements dangereux bien avant qu'ils n'aient lieu : le bruit, la topographie, le contexte, le bruit toujours. Ce dernier nous indique le type de voiture, sa puissance, et le comportement du pied droit de l'automobiliste : ralentissement, maintien de la vitesse, ou pire accélération.
En un quart de seconde, on estime : le bas-côté, notre position sur la route, le vrai risque de collision (nous avons une meilleure visibilité qu'eux, et voyons avant eux l'autre voiture arriver en face). Parfois, quand c'est trop risqué, qu'on a la présence d'esprit et le temps de le faire, on empêche le dépassement. Mieux vaut se faire klaxonner et insulter qu'écraser...
Mais vraiment, surtout (!), nous ne roulons sur des routes circulantes que lorsque nous n'avons pas le choix.
Le vélo des champs anticipe
Ne pas anticiper, c'est se retrouver à rouler uniquement sur des départementales, entouré⋅e de voitures à 80 km/h. L'horreur. Quand on va dans un endroit que l'on ne connaît pas, on travaille son itinéraire, et on sort des sentiers battus (enfin, des grands billards de bitûme)... sur les ribines !
Le vélo des champs se salit beaucoup
Goudron, terre, sable, goudron, terre, sable... flaque de boue, algue (véridique ?!) ! Le vélo des champs roule sur des terrains parfois (souvent) très accidentés. Il n'est jamais vraiment propre. Si c'est quelque-chose d'important pour vous, faites-en le deuil rapidement ! Ou préparez-vous à y passer beaucoup de temps.
La conséquence technique
Si ce n'est que l'entretien est à revoir en conséquence. Les chaînes prennent cher, les roulements aussi, des pièces rouillent... j'en passe et des meilleures. En vrai, nous ne sommes pas très bons sur l'entretien de nos vélos. Le logement où nous sommes n'est pas pratique pour cela, nous n'avons pas beaucoup de place dans le garage et pas de point d'eau avec jet facilement accessible. Du coup, nous avons pris d'autres dispositions : Alex vient de changer, sur notre Bullitt, la chaîne par une courroie !
Nous avons aussi changé très rapidement de taille de pneus en arrivant sur place, pour notre confort et celui des enfants dans le cargo.
Le vélo des champs ne crève pas
Ça nous a marqués la dernière fois que nous sommes passés en ville : BAM crevaison. Un bout de verre et pschhhhhhht.
Bon, alors évidemment ça peut arriver chez nous aussi, hein. Mais la fréquence des facteurs de crevaison (verre, métaux, clous, vis et autres débris) sur les routes est tout de même drôlement moins élevée qu'en ville. En un an et demi, et autour de 6000 km par personne et par an, nous n'avons connu qu'une crevaison lente sur nos trois vélos.
Le vélo des champs s'attache peu...
Ah, que ça fait bizarre de revenir en ville et de devoir mettre un cadenas sur le vélo, même pour les deux minutes passées à la boulangerie. Le risque de vol n'est pas tout à fait nul non plus à la campagne, mais il n'a rien à voir avec ce risque en milieu urbain. Au quotidien, c'est une vraie charge mentale en moins.
Mais on s'attache au vélo des champs ❤️
Et vous, quelle est votre expérience de la différence ville-campagne ?
Le trackstand est une pratique cycliste consistant à... ne pas avancer du tout ! Il s'agit de rester debout, immobile, sur son vélo. Le premier qui franchit la ligne a perdu. C'est une pratique que de nombreux cyclistes urbains connaissent et tentent de maîtriser, tant bien que mal. ↩︎
Publié le 4 mai 2024
Écrit par Julie
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Sommaire
- Le vélo des champs ne s'arrête pas
- Le vélo des champs n'a pas la même notion du temps et des distances
- Le vélo des champs voit loin
- Le vélo des champs est social
- Le vélo des champs est une invitation à l'écoute
- Le vélo des champs développe un sixième sens
- Le vélo des champs anticipe
- Le vélo des champs se salit beaucoup
- Le vélo des champs ne crève pas
- Le vélo des champs s'attache peu...
- Mais on s'attache au vélo des champs ❤️